lundi 19 mars 2012

Interviews : Jamel Benserhir s’exprime à propos du racisme dans l’armée française (2008)


Vue de Montauban


Le sergent Jamel Benserhir raconte les circonstances qui l’ont amené à dénoncer les comportements néo-nazis de trois soldats du 17ème Régiment parachutiste de Montauban, avant de porter plainte contre les responsables de cette unité.
Photos à l’appui, il avait dénoncé, dans Le Canard Enchaîné du 2 avril 2008, les agissements néo-nazis de trois jeunes militaires. Mardi 8 avril 2008, Jamel Benserhir, âgé de 33 ans, sergent du génie parachutiste de la Compagnie d’Appui de Montauban, a porté plainte pour « discrimination à l’emploi » et pour « incitation à la haine raciale » contre les responsables de cette unité, dont il dénonce l’inaction et le harcèlement. « Sans moi, ces militaires auraient continué au régiment », explique-t-il.

Des parachutistes du 17e régiment


Question :
- "Comment avez-vous eu connaissance de tels agissements ?"
Jamel Benserhir :
Je suis chasseur parachutiste. J’ai toujours été bien noté. Je suis arrivé 3ème de ma promo sur cinquante.
Au fur et à mesure de mon avancement dans la carrière, je me suis aperçu qu’on se passait de mes services. Cela a commencé lorsque ma section est partie en Côte d’Ivoire pour l’Opération Licorne. Moi qui étais chef de groupe, on me laissait à la caserne. Cela m’a étonné et j’ai fait connaître mon mécontentement. Un collègue m’a alors fait savoir que certains éléments de ma compagnie se réunissaient en faisant le salut nazi et que le capitaine était au courant de certains comportements. Je cherche à en savoir davantage. Je trouve des photos où on voit effectivement certains de mes gars bras tendus. Et au cours de nos exercices, je m’aperçois que les tatouages portés par certains sont explicites : l’aigle du Troisième Reich, par exemple. Le capitaine qui est présent ne dit rien quand il voit ces signes ostensibles, à moins qu’il ne fasse semblant de ne pas voir..."
Une photo publiée dans Le Canard Enchaîné

-"Vous alertez votre hiérarchie ?"
- "La situation est devenue délicate avec la hiérarchie du régiment. J’ai alors écris au Ministère de la Défense. Pour toute réponse, le secrétaire du ministre a répondu dans un courrier que j’étais « atteint d’une instabilité émotionnelle ». Je n’ai pourtant jamais eu de problème de ce genre, surtout qu’aucun psychologue ne m’a jamais ausculté et que cette qualification peut être un motif de licenciement dans l’armée... Puis, le président des adjudants-chefs, en service commandé, a tenté de me convaincre de revenir sur mes accusations. J’ai refusé.
C’est à ce moment-là que j’ai décidé, alors que toutes les portes étaient fermées, de mettre cette affaire sur la place publique. En dépit du droit de réserve. J’obéis à ma conscience. Et c’est seulement après la parution des photos dans la presse que ces militaires ont été mis aux arrêts de rigueur. Ils sont en réalité en permission. Mais sans moi, ces militaires auraient continué au régiment."
L’insigne du 17e régiment de parachiutistes

-"Quelles conséquences cela a-t-il eu pour vous ?"
- "On m’a conseillé de commencer une reconversion dans le privé. On m’a fait savoir que ma carrière dans l’armée se terminerait à l’expiration de mon contrat, en août 2008. J’ai déposé une première plainte à la gendarmerie, pour discrimination à l’emploi, et une seconde pour incitation à la haine raciale."
Propos recueillis par Aziz ZEMOURI
Vue de Montauban

AUTEURS
  • Aziz ZEMOURI
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